Ecrit en 1796, par un auteur de 19 ans,
The Monk est un grand classique de ce qu’il est convenu d’appeler
le roman gothique anglais, précurseur du roman noir et du genre fantastique (Qui apparait vers les années 1830 en Europe) . Comme un autre grand classique que l’on peut rattacher au genre gothique ou noir,
le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki, construction est gigogne : dans
le même roman divers personnage racontent leurs propres histoires, créant ainsi des histoires dans l’histoire, peut être sous l’influence des Mille et Une Nuits, traduit au XVIIIème siècle.
Le personnage central, qui donne son nom au roman, est
le moine Ambrosio, prieur des Capucins de Madrid, dont les prêches attirent les foules. Cet homme est considéré comme un saint vivant. Ayant toujours vécu au monastère, protégé du monde, il est orgueilleux et sévère contre les pécheurs. Mais dés que la tentation apparait dans sa vie sous la forme du novice Rosario qui se révè
le être une femme amoureuse de lui,
le voila irrémé« diable »ment entrainé dans une spirale qui
le conduira de la luxure à la magie noire, au meurtre, au pacte démoniaque et à la damnation. Très habilement se nouent autour les autres intrigues :
le jeune noble Lorenzo rencontre dans l’église des Capucins la belle Antonia dont il tombe amoureux, et surprend dans la même église un échange de lettre entre sa sœur Agnès, religieuse Clarisse, et un inconnu qui se révè
le être son ami Raymond…Je n’entrerai pas dans les détails pour ne rien dévoiler des péripéties et aventures diverses qui s’articulent, où l’on croise
le terrifiant spectre de la nonne sanglante,
le juif errant, une nécropole souterraine qui est loin d’être calme, fuites et poursuites, drogues et poisons, fantômes et bien sûr
le diable qui est derrière tout ça. L’aventure et l’horreur sont au rendez-vous mais l’humour y est aussi présent, à travers des femmes vieillissantes comme Leonella toujours prête à être courtisée par des jeunes hommes ou superstitieuse et racontant à leur manière les événements comme Jacinthe.
Le fantastique n’est pas continu d’ailleurs : la première centaine de pages ressort beaucoup plus de l’aventure et pourrait être signée d’Alexandre Dumas. Par la suite on se trouve dans des ambiances macabres à la Poe (Mais ni Dumas ni Poe n’étaient nés quand Lewis écrivit
Le Moine)
Précurseur du romantisme et du fantastique,
The Monk n’en est pas moins héritier des écrits des lumières : l’anticléricalisme y est souvent présent : certains religieux (Par exemple la supérieure des Clarisses) y sont présenté comme cruels, inflexibles et plus préoccupé de la réfutation de leur maison que de la moindre humanité derrière une apparence dévote. On y trouve en plusieurs occasions des condamnations de la vie monastique considérée comme contre-nature, ou en tout cas de l’enfermement au couvent de jeunes gens qui ne l’on pas choisi, sur volonté de leurs parents (En ça on pense à La Religieuse de Diderot). Quoi que les héros soient de jeunes nobles, l’aristocratie n’y est pas non plus à son avantage : on la voit hypocrite et superstitieuse. Les masses non plus ne sont pas flattées, on
le voit avec la foule, qui, apprenant la cruauté de la supérieure, se met à saccager
le couvent et massacrer sans distinction toute religieuse qui lui tombe sous la main.
Gothique, noir, fantastique,
Le Moine ne manque pas non plus de finesse psychologique : Ambrosio est un être complexe, ni franchement bon ni franchement mauvais. Il est plein d’hésitations, il se laisse emporter en condamnant cruellement Agnès, la nonne fautive, puis pris de pitié il voudrait l’aider mais se rend finalement à la raison de celles qui lui disent de n’en rien faire (La prieure, puis Mathilde). Il cède à la passion, cherche à se convaincre du peu de gravité de son péché. Finalement il prend à chaque fois les mauvaises décisions qui l’entrainent de plus en plus loin dans
le crime, jusqu’à la fin où se laisse aller désespoir dans
le sens chrétien : persuadé que ses péchés sont trop graves pour être pardonné, et après avoir une ultime fois hésité, il se donne au diable.
Le diable, qui lui était apparu comme
le très beau Lucifer se révè
le alors l’affreux Satan, et les révélations qu’il fait lui montrent à quel point il avait comploté dés
le début la chute du prieur.
Admiré par Sade (qui
le dit« supérieur sous tous les rapports, aux bizarres élans de la brillante imagination d’Ann Radcliffe »), et André Breton, qui salue «
le souffle de merveilleux [qui] anime tout entier [
Le Moine] » ce roman qui fit scandale à son époque (Lewis dut même en écrire une version édulcorée) existe dans la première traduction, celle de Léon de Wailly (1840) et dans une traduction/adaptation d’Antonin Artaud.
«
Le Moine fait du surnaturel une réalité comme les autres » Artaud