Si vous êtes dans le coin, Gilles Bailly sera en dédicace à la librairie Soleil Vert à Calvisson (Gard-30, 15mn de Nîmes) à partir de 17h. Et pour vous mettre l'eau à la bouche, voici mon avis :
Voilà bien un roman atypique, de ceux que l'on croise, rarement, mais qui existent. Conçu comme une succession de chroniques, voire de nouvelles, il nous entraîne à la suite de ? dans ses pérégrinations insolites, loufoques, merveilleuses, fantastiques, disjonctées, jamais glauques. Dans ce très bizarre récit de voyage, l'on croise l'ombre de Stevenson, de Jules Verne, de Walt Disney. On passe par les Cévennes, on remonte jusqu'à la chaîne des puys par où s'entrouvrent quelques tunnels menant jusqu'en Italie et à la limite de L'Europe de l'Est. Chaque étape est une rencontre, un brin de folie ou de rêve éveillé. On y devine constamment le souci de l'humain, de l'environnement, de l'idéal sous leur forme les plus surréalistes qui soient.
Avec Gilles Bailly, vous prendrez votre premier ticket pour un voyage étrange, onirique, souvent drôle, vous circulerez dans une voiture toute de végétal conçue, vous croiserez Tabouret, le chien à trois pattes, qui plus tard se transformera en ours (vous êtes prévenu), quelques vampires vous hébergeront, toute une faune sauvage suivront vos pas, écureuils, lézards, pipistrelles (qui se dégustent aussi, aux champignons, quand on n'a plus le choix)... Mais dans ce paysage fantaisiste, il y a aussi des ombres, une réflexion sur notre société, sur les rassemblements faussement anticonsuméristes, sur l'hypocrisie, l'Utopie, l'Europe et l'éclatement paradoxal de nos provinces... et il y a Malbosque, un village qui se déplace ; donc même quand on tombe dessus, on est jamais sûr de pouvoir y revenir. Aussi, jusqu'à la fin, il restera une sorte d'Arlésienne et quand on y revient, il a changé, comme l'auteur.
Ce premier roman recèle malgré tout quelques imperfections qui sont à noter. Si la narration partait sur des textes très courts, avec même une structure élaborée de chapitres écrits une fois sur deux à la première ou à la troisième personne, sauf le premier avec la forme "nous", on peut rencontrer une certaine lassitude dans les derniers chapitres, beaucoup trop longs, injectant tant et tant d'idées et de loufoqueries qu'on s'y perd et le schéma aussi. De chroniques, on passe à de vraies nouvelles mais qui déséquilibrent l'ensemble. Il n'y a plus vraiment de structure. Même si l'on comprend le cheminement intérieur et extérieur du héros, tout délirant soit-il, on a complètement occulté le point de départ, la recherche d'inspiration. A défaut de celle-ci, peut-on au mieux se dire que le héros a ouvert les yeux sur une réalité qui lui échappait. Toutefois, on aurait pu s'attendre à la fermeture d'une boucle, un retour aux sources de son aventure, un renvoi vers l'écrivain en manque d'idées ("Un polar, peut-être ?").
Heureusement, d'inspiration, Gilles Bailly n'en manque pas. Il y a donc à parier que nous le recroiserons encore dans les méandres de l'imaginaire.