Les archéologues fouillent actuellement à l’intérieur et à l’extérieur de la Basilique de Saint-Denis. Ils exhument des vestiges mérovingiens et carolingiens, pour certains antérieurs à la construction de l’édifice.
Une basilique-cathédrale
Construite sur la tombe de Saint-Denis, évêque missionnaire mort vers 250, la basilique accueille, dès la mort du roi Dagobert en 639 et jusqu’au XIXe siècle, les sépultures de 43 rois, 32 reines et 10 serviteurs de la monarchie. Conçu par l’abbé Suger au XIIe siècle, ce chef-d’œuvre architectural est une des premières églises gothiques. Elle est achevée au XIIIe siècle, sous le règne de Saint-Louis. Cet ouvrage révolutionne ainsi l’histoire de l’architecture : il est le premier pas vers la naissance du style gothique qui apparaît clairement dans son chevet édifié entre 1140 et 1144. Aujourd’hui, cette fouille d’exception est liée au projet de reconstruction de la flèche de la basilique.
Ivan Lafarge "C'est un coup de foudre fatal lors d'une tempête, en juin 1836, qui provoque, sur cet édifice vieux de six siècles, un certain nombre de fissurations très actives puisque le sonneur d'orgue, qui loge dans la chapelle Saint-Barthélémy, s'en inquiète et voit tomber des petits morceaux de pierres tous les jours sur son lit. Et c'est cela qui va provoquer un premier chantier d'une dizaine d'années, sous l'égide de François Debret, l'architecte en charge de la basilique pour la consolidation et la réparation, dans un premier temps, de cette flèche."
Ivan Lafarge "Viollet-le-Duc était quand même un archéologue pour son temps, car, en démontant la flèche, il a fait des relevés par assise, en tout cas, à chaque niveau significatif, il a fait des relevés de l'ensemble de l'arase qui permet en fait de restituer de façon assez précise la volumétrie et la stéréotomie qui va être nécessaire à la reconstruction."
Cyrille Le Forestier "On peut dire qu'on a des inhumations qui ne sont pas, comme on a coutume d'en rencontrer en Ile de France pour cette période-là. [...] Ici, à Saint-Denis, chose exceptionnelle, on a souvent des tombes individuelles, donc il n'y a pas eu de réouvertures de tombes. Et, la première impression que l'on a, en dégageant les os un par un, en fouillant chaque sépulture, c'est que l'on a principalement des hommes, [...] plutôt en bonne santé, [...] et donc sûrement que l'on a affaire à des religieux de sexe masculin, enterrés dans une zone de la basilique."
Les espaces funéraires
Dès la fin du Ve siècle, l’occupation funéraire est très dense et perdure jusqu’à la fin de l’époque médiévale ; aujourd’hui, près de 200 sépultures sont fouillées.
Une soixantaine de sarcophages en plâtre, d’époque mérovingienne (Ve-VIIe siècles) sont dans un bel état de conservation. Ils s’organisent en rangées successives. Leurs cuves de plâtre portent de nombreux décors moulés sur les parois. Parfois, les défunts sont habillés. Cette répartition et ces caractéristiques révèlent assurément des distinctions sociales et la présence d’une aristocratie et d’une population monastique. Les sépultures postérieures (du VIIIe au XIVe siècle) ne bénéficient pas d’autant d’aménagements. Généralement emmaillotés dans des draps funéraires, sans vêtements, les corps sont déposés dans de petites fosses sépulcrales. Parfois, des coffrages de bois ou des tombes maçonnées y ont été aménagés. On voit dans cette phase, l’apparition autour du XIe siècle des premières plates-tombes, ces dalles funéraires typiques du Moyen Âge qui couvrent la tombe au niveau du sol.
Cyrille Le Forestier "On a surtout la phase mérovingienne, bien représentée avec ces fameuses cuves en plâtre, plusieurs typologies de fabrication, plusieurs formes de sarcophage, mais surtout trapézoïdales. Et là, on est surtout sur la période mérovingienne, avec plusieurs phases d'inhumation et on a aussi trouvé un sarcophage en pierre avec un assemblage assez particulier, plutôt de la fin de l'époque mérovingienne et du début de l'époque carolingienne, mais toujours cette fameuse forme trapézoïdale."
Cyrille Le Forestier "Il y a plutôt des individus qui présentent des marqueurs de sénescence, donc des problèmes dentaires, d'arthrose assez classiques, et c'est plutôt bon signe quand on a de l'arthrose, car ça implique qu'on est âgé, et c'est une bonne chose d'avoir d'arthrose quand on fouille un squelette archéologique, avec très peu de maladies, donc pas des populations défavorisées."
Cyrille Le Forestier "À l'époque mérovingienne, on est amené à trouver plein de choses dans les sépultures, du mobilier et du mobilier vestimentaire. A Saint-Denis, on a simplement l'individu à l'intérieur, son squelette, et un peu de mobilier, mais très peu par rapport à ce qu'on aurait dû ou pu trouver. Donc, on en revient justement à ces populations particulières, religieuses, qui ont déjà abandonné le mobilier dans les tombes. Jusqu'à présent, on a trouvé quelques spatules à mettre dans les cheveux, quelques boucles de ceinture, un peu de fil d'or au niveau de la tête d'un individu, de la verrerie... On a quand même assez peu de mobilier qui accompagne les gens dans la mort, alors que partout en Ile de France, on retrouve quand même pas mal de mobilier dans les sépultures de la période."
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/carbone-14-le-magazine-de-l-archeologie/sur-la-fouille-de-la-basilique-de-saint-denis-2968425