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 Lettre de H. P. Lovecraft à Clark Ashton Smith, 20/11/31

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ElricWarrior
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MessageSujet: Lettre de H. P. Lovecraft à Clark Ashton Smith, 20/11/31   Lettre de H. P. Lovecraft à Clark Ashton Smith, 20/11/31 EmptyLun 29 Juil - 8:10

Fosse de Gba-Kran, au-delà du Récif du Diable, côte d’Innsmouth. À l’heure du Grouillement sans nom [1]

Cher Klarkash-Ton : —

J’ose espérer que tu puisses un de ces jours visiter Newburyport, car son caractère ancien et désolé en font l’une des villes les plus spectralement fascinantes que je connaisse. En fait, Newburyport vient de me fournir le point de départ d’une nouvelle — rien de bien original par rapport à mes thèmes habituels, mais c’est bel et bien né des bouffées d’imagination que peut susciter un tel endroit. Le décor de ma nouvelle ne se nommera pas Newburyport, mais Innsmouth la maudite, ville portuaire sise entre Newburyport & Arkham. Cela dit, je ne l’écrirai peut-être jamais, car le refus de Putnam m’a incité à faire une pause. Laquelle me permettra de procéder à une évaluation générale et de me demander si ce que j’écris a une valeur autre que superficielle. Lorsque je les soumets à une analyse minutieuse, mes fictions me déplaisent profondément, à l’exception d’une ou deux peut-être, & je suis sur le point de jeter l’éponge, à moins d’être en mesure de mieux faire. Je vais utiliser cette nouvelle idée comme point de départ de ce qui pourrait être désigné sous le nom d’expérience de laboratoire — je la déclinerai sous diverses formes afin de déterminer quelle atmosphère, quel rythme conviennent le mieux à ce thème. Ce que j’écrirai — ou n’écrirai pas — par la suite dépendra dans une certaine mesure du résultat de mon expérience. Dernière étape en date : j’ai détruit les trois premières versions de ce texte, avant de m’embarquer vers le quatrième jet[2]. Le problème avec ce que j’écris, c’est que ça tombe toujours entre deux chaises : l’infect prototype de la production pour magazine qui se greffe sans que je le veuille dans ma méthode d’écriture de par mon lien avec W. T. [Weird Tales, NdT] & la vraie nouvelle. Mes récits ne sont pas assez mauvais pour relever de la production bas de gamme, mais pas assez bons pour être acceptés et reconnus hors de cette production. Comme Putnam l’a justement noté, ils expliquent trop — ils n’ont pas la subtilité des Incredible Adventures (1914) de Blackwood ou du « White People » (1904 ; titre français « Le Peuple blanc ») de Machen. Quant à choisir la direction que doivent maintenant prendre mes efforts — ce n’est pas bien difficile. Mon dégoût pour la chose — & mon manque d’intelligence instinctive & de souplesse — m’écarte définitivement du champ populaire de la littérature d’action ; et donc, tout ce que je peux faire, maintenant, c’est soit m’efforcer en toute honnêteté d’écrire des nouvelles qui soient vraiment de meilleure qualité — ou bien tout laisser tomber, parce que c’est trop mauvais. Ce qui ne m’empêcherait pas, pourquoi pas, de griffonner de temps à autre un texte dont je saurai très bien qu’il est médiocre, pour le plaisir.

Quant à donner dans le compromis — oui, c’est possible, sûrement, mais pas en ce qui me concerne. La bonne nouvelle d’action ne peut avoir la moindre valeur que lorsque son sujet est tel qu’il exige, de manière naturelle, inhérente, une succession rapide d’événements manifestes & à vrai dire, il faut pour nourrir ces thèmes spontanément et sans fléchir un certain type d’imagination. Ma personnalité est fondamentalement statique, contemplative & objective — quasi-ermite dans ma vie quotidienne, j’aime mieux observer qu’agir. Mon imagination naturelle — & la seule véritable — est celle du témoin passif — je veux dire par là une sorte d’œil flottant, sans corps, qui observe toutes sortes de phénomènes extraordinaires sans en être grandement affecté. Je suis constitutionnellement incapable de trouver le moindre intérêt à de simples mouvements, à de simples événements. Ce qui me passionne, c’est le contexte, ce sont les atmosphères, les apparences& autres éléments intangibles de cette sorte. Ma perspective est trop intrinsèquement cosmique & analytique pour que je puisse saisir l’importance de ce que le monde tridimensionnel considère comme des évolutions dans la disposition relative de grains de poussière aussi infimes que les hommes qui peuplent la planète. Les seules entités qui méritent à mes yeux de jouer dans mes drames cosmiques sont les forces & lois profondes qui régissent l’univers, & ce qui est susceptible de m’intéresser, n’est que l’illusion réaliste de la tentative de destruction, ou de la suspension, ou de la distorsion de ces forces & lois. Pour moi, l’apogée d’un récit n’est que la description efficace d’une défaite temporaire de l’ordre cosmique. J’utilise comme symbole des marionnettes humaines — sans m’intéresser à elles. C’est la défaite elle-même — & le sentiment de libération qui lui est implicite — qui me procure le frisson & la catharsis de l’effort esthétique.

Ce décor psychologique étant planté, il serait de ma part parfaitement hypocrite, parfaitement artificiel de vouloir écrire des nouvelles d’action. Si je veux continuer d’écrire sincèrement & tout en conservant des visées artistiques, ce doit être presque toujours du point de vue de ces observateurs qui flottent ou planent à travers un champ d’aberration cosmique, très peu affectés hormis sur les plans mentaux & psychologiques. C’est par cette seule voie que je peux m’exprimer naturellement, car c’est la seule chose que j’aie vraiment à dire. C’est le seul type d’image que mon parcours précédent, plutôt isolé et bien peu riche en péripéties, m’aie appris à formuler — ou m’aie poussé à articuler, à coucher sur le papier.
Le petit Jehvish-Êi [J. Vernon Shea, NdT] s’apprête à devenir un critique d’art des plus émérites, lui qui a pris pour sujet d’étude de son dernier essai universitaire le « Suicide in Costume » [Œuvre de Franklin C. Watkins, qui lui valut une célébrité immédiate. https://www.philamuseum.org/collections/permanent/47374.html?mulR=2011 NdT]. Cet art moderne, est-il sincère & authentique, et que doit-il à l’erreur & à la vanité — je ne saurais répondre à cette question. Il est certain que les perspectives psychologiques de ces artistes exigent une liberté d’expression qui ne peut être satisfaite par la reproduction photographique et ses limites — mais il est tout aussi exact que la plupart des artistes contemporains poussent cette liberté à des extrêmes aussi absurdes que paradoxaux.
Je serai très heureux de lire, en revue, en volume, des nouvelles de Yoh-Vombis & meurs d’impatience de goûter enfin les blasphèmes imprononçables de « The Nameless Offspring » (1932, titre français « L’Héritier des ténèbres ») … nnggrrrhh… Sodagui ! Iog-Sôtôt ! [sic] J’espère que tout se présente bien pour « The Devotee of Evil » (1933 ; titre français « L’Adepte du mal ») , bon texte à mes yeux, même si je ne suis pas d’accord avec Jehvis-Êi qui le juge le meilleur de tes récits. Tu as sans doute à cette heure déjà reçu « The Demon of the Flower » (1933 ; titre français « Le Démon de la fleur » ) et mes enthousiastes remarques. J’espère que Bates [Le rédacteur en chef d’Astouding Stories, qui publiera la nouvelle de CAS en 1933, NdT] lui accordera toute sa sympathique attention — ainsi qu’aux autres offrandes qu’il a reçues. D’ailleurs — le portrait de Bates, que Whitehead m’a envoyé il y a peu & que je joins à cette missive t’intéressera peut-être. T’ai-je dit que l’état de santé de Whitehead donne de nouveau certaines raisons d’espérer, de sorte que son médecin pense désormais pouvoir éviter une opération qui n’était pas sans risque ?

« Creeps » [C’est sans doute Creeps by Night, l’anthologie de Dashiell Hammett publiée en 1931 chez John Day, où figurait « La Musique d’Erich Zann » de HPL. NdT] n’est pas si horrible que cela — mais j’aurais présenté les choses d’une manière bien différente. Je n’ai pas encore vu le « Omnibus of Crime » [Le troisième volume de la célèbre anthologie supervisée par Dorothy Sayers, NdT], mais Cook a promis de m’en envoyer un exemplaire. Et puisque l’on parle de recueils — je joins aussi quelques coupures de « Sideshow », lesquelles contiennent quelques allusions à la nouvelle anthologie de Colin de la Mare, ainsi que le commentaire qu’on m’en a demandé[3]. Renvoie-les moi. Je n’ai jamais lu le « Green Tea » (1869 ; titre français « Le Thé vert ») de le Fanu : il est donc possible que je l’ai mal jugé. Il me faut mettre la main sur cette anthologie, même si elle consiste essentiellement en vieilleries de deuxième ordre.
Je me suis fort bien acquitté de ce travail sur l’histoire de Darthmouth — n’ai reçu que compliments & expression de contentement de toutes parts. J’espère vraiment pouvoir travailler de nouveau pour la Stephen Daye Press : ce qu’ils m’enverront ne peut être que cent fois plus intelligent que mes travaux de réécriture habituels sur de la fiction mal fagotée.
D’ailleurs, & tant qu’à parler industrie et boutique — Francis Flagg (Henry George Weiss) donnait il y a peu ce conseil commercial qui pourra, ou non, retenir ton attention. Apparemment, un certain Carl Swanson, de Washburn, dans le Dakota du nord, s’est mis à publier des nouvelles en livret — ce n’est pas de l’édition d’amateur & il accepterait inédits & rééditions — fantastique et horreur compris. Pour une réédition, l’auteur est payé 15 % du prix de vente en librairie & les conditions pour les inédits sont généreuses. Pourquoi ne pas lui écrire, à ce type, pour voir ce qu’il a vraiment dans le ventre ?
Mon expédition de ces derniers temps — la dernière de 1931, je pense — a été une réussite de A à Z. J’ai pu me rendre dans les quatre villes anciennes que j’aime le plus — Portsmouth, Newburyport, Salem (Arkham) & Marblehead (Kinsgport) — & les ai trouvées d’autant plus charmantes que les touristes les avaient désertées — en été, ils ont le chic de vous détourner de Marblehead, en particulier. Je n’ai guère vagabondé depuis, mais le temps a été incroyablement doux pour la saison & je suis plus d’une fois allé travailler sur mon bord de fleuve préféré. Les arbres sont nus en cette période de l’année mais il y a dans ces bois bruns de l’hiver un charme mystérieux qu’Arthur Machen a souvent mentionné.

Quant à l’Eidolon sans nom… Je m’efforce d’oublier ce que j’ai vu en rentrant chez moi, trois jours après le Sabbat noir. Je remercie Pegāna de n’être pas rentré plus tôt ! Il y avait sur le front de la chose comme l’ébauche d’une nouvelle fente ou craquelure — sensation inquiétante, comme si quelque œil s’était ouvert & se refermait lentement, tandis que s’était formé autour du mufle une sorte d’incrustation infime & subtile, rouge ou brun rouge. Deux jours plus tard, ces détails à peine perçus n’étaient déjà plus détectables. Je prendrai les précautions qui s’imposent pour le Solstice & la Chandeleur.
À toi toujours dans la connaissance de la Litanie interdite,

E’ch-Pi-El

Traduit de l’anglais par Anne-Sylvie Homassel.

[1] Innsmouth et le Récif du diable sont des éléments du décor de The Shadow over Innsmouth (1936, titre français Le Cauchemar d’Innsmouth, novella à laquelle HPL travaillait à cette époque.
[2] Il semble que HPL n’ait pas détruit les brouillons en question, car figure dans sa bibliographie une « version non conservée de ‘The Shadow over Innsmouth’ ».
[3] Hart concluait ainsi son commentaire de They Walk Again, l’anthologie publiée en 1931 par Colin de la Mare, le fils de Walter : « Qu’est-il advenu de mon mentor en ces sujets, là-haut dans Barnes Street ? Je veux savoir ce qu’il pense de la sagesse et de la probité de cette sélection.» (« The Sideshow », Providence Journal 103, n°272, 10 novembre 1931, p. 14). Les quelques commentaires de HPL parurent le 13 novembre 1931, p. 14.

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