Trésor scientifique ou vieux papiers illisibles ? Les mystérieuses archives d’Alexandre Grothendieck
Les 70 000 pages de ce géant des mathématiques dorment dans une cave à Paris. Ces manuscrits, rédigés alors qu’il vivait en ermite, restent à déchiffrer.
S’agit-il d’un trésor scientifique ou de vieux papiers pas même bons pour le recyclage, tant ils sont chargés d’encre bleue ? Combien a-t-il fallu d’heures pour couvrir 70 000 pages, entre le 19 août 1992 et le 24 août 2014, aujourd’hui déposées dans une cave à Paris ?
L’auteur de ces lignes tracées d’une écriture très fine, très plate, parfois lisible, souvent difficile à décrypter, le mathématicien Alexandre Grothendieck (mathématicien français, né le 28 mars 1928 à Berlin et mort le 13 novembre 2014 à Saint-Lizier2, près de Saint-Girons (Ariège). Il est resté longtemps apatride tout en vivant principalement en France ; il obtient la nationalité française en 1971).
Il est considéré comme le refondateur de la géométrie algébrique et, à ce titre, comme l'un des plus grands mathématiciens du xxe siècle4. Il était connu pour son intuition extraordinaire et sa capacité de travail exceptionnelle. La médaille Fields lui a été décernée en 1966.) a mis un soin extrême à ordonner ce qui ressemble à un indéchiffrable message, numérotant chaque page, datant chaque liasse et relevant parfois ses heures de travail. C’est pour écrire qu’il s’était retiré du monde en août 1991, à Lasserre, un village isolé de l’Ariège, limitant au strict minimum les contacts avec les hommes et les femmes qu’il avait tant aimés.
Travailleur infatigable
Lui dont les mathématiques permettent l’échange de quantités phénoménales de données cryptées via des appareils minuscules, lui dont les outils forgés dans les années 1950 et 1960 ont concouru à prouver l’existence du boson de Higgs, qui explique pourquoi telle particule a une masse, lui dont les travaux mathématiques ont contribué à la démonstration du théorème de Fermat par Andrew Wiles a voulu disparaître, réduisant sa présence à des milliers de pages.
Travailleur infatigable, principalement la nuit entre 22 heures et 6 heures, il avait déjà laissé 28 000 pages à Montpellier, l’université où il avait obtenu poussivement une licence de mathématiques en 1948, et où il était revenu enseigner après avoir tourné le dos à la communauté scientifique, en posant au début des années 1970 la question de la légitimité et de la finalité de la science. Ses pairs l’avaient écarté du Collège de France, quand les plus grandes universités américaines acceptaient de se poser cette question.
Source : Le Monde