Paul Pelliot dans la "niche aux manuscrits" dans la grotte 17 de Mogao
En février 1908, un jeune sinologue français Paul Pelliot, arrivant à l’ultime étape de sa mission en Asie centrale, découvre le site des "Grottes des mille bouddhas", à Dunhuang, une commanderie établie au IIème siècle, aux confins occidentaux de l’Empire chinois. Il reste frappé par la beauté de ces sanctuaires rupestres.
Dans cet ensemble, je m'attarderais sur la grotte 17, la mystérieuse et renommée "bibliothèque murée", cette petite grotte fut creusée à la fin de la dynastie Tang en l'honneur du « donateur » de la grotte 16, Hongbian, abbé des moines de la région de Hexi. Elle servit ultérieurement de bibliothèque, ou plutôt d'entrepôt, pour de précieux manuscrits et autres objets bouddhistes, pour être finalement murée. De nombreuses théories existent sur les raisons qui poussèrent, aux alentours du XIème siècle, à condamner cette grotte, mais aucune n'est totalement convaincante. Quoi qu'il en soit, la porte de la grotte fut alors recouverte de plâtre, puis peinte, en dissimulant complètement l'entrée pendant près de 1 000 ans.
Paul Pelliot arriva cependant à accéder à cette ancienne cellule et à la lueur d'une bougie, il compulsera jour et nuit les 50 000 feuillets entassés. Les documents sont rédigés en chinois, tibétain, hotanais, ouïgour classique, sanskrit, koutchéen, tokharien, syriaque, hébreux, etc..., Après trois semaines passées à inventorier les documents, il sait que c’est là "la plus formidable découverte de manuscrits chinois que l’histoire de l’Extrême-Orient ait eu à enregistrer".
Dans cette grotte, une statue représente le moine éminent Hong Bian, "Docteur des Enseignements", en 851, vêtu d'un manteau monastique constitué de pièces de tissu rapportées.
En 1910, la fabuleuse collection qu’il acquiert entre à la Bibliothèque nationale, pour les manuscrits, et au Louvre, pour les peintures.
La grotte 16 contenant quelques manuscrits venant de la fameuse grotte 17
Les grottes Mogao de Dunhuang (Touenhouang)
Parmi les documents trouvés, tous aussi intéressants les uns que les autres, on peut admirer une carte celeste qui serait la plus ancienne connue.
La carte céleste de Dunhuang est la plus ancienne carte d’étoiles existante. D’autres cartes ont peut-être été produites par des astronomes anciens comme le grec Ptolémée (+83-161) ou le chinois Chen Zhuo (+220-280) mais aucune trace ne subsiste de ces tentatives. D’autres découvertes archéologiques anciennes sont souvent qualifiées de cartes, comme le zodiaque de Dendérah actuellement au Louvre daté de l’an – 50 ou le globe de Farnèse (+150). Mais dans les deux cas, il s’agit seulement de dessins des personnages de constellations sans indication des positions des étoiles. En dehors de la Chine, les premières cartes célestes ont été l’œuvre de l’astronome persan Al-Sufi (+986) qui montre la position des étoiles qui composent les constellations mais ne fournit pas la position relative sur l’ensemble du ciel. En Europe occidentale, c’est sur un document plus tardif, le manuscrit de Vienne (+1440) que l’on trouve pour la première fois les positions des étoiles sur l’ensemble du ciel.
L'atlas de Dunhuang, qui décrit l’ensemble du ciel boréal, précède donc tous ces travaux de plusieurs siècles. Il révèle aussi le remarquable niveau de la science chinoise dans l’usage des projections mathématiques.
L'analyse de la carte a permis de conclure que l'atlas, qui contient plus de 1 300 étoiles, a été composé dans les années 649-684 de notre ère, utilisant des méthodes de projections mathématiques. Il s'agit de la plus ancienne carte d'étoiles connue toutes civilisations confondues et de la première représentation graphique de l'ensemble des constellations chinoises.