Après avoir été traité pour un cancer de la peau de la verge, un trentenaire avait dû subir une amputation du pénis, au CHU de Nantes. Rarissime chez un patient aussi jeune. Une expertise judiciaire ayant identifié une erreur médicale engageant la responsabilité de l’établissement, le tribunal administratif doit évaluer l’indemnisation de son préjudice.
« A combien estimez-vous votre pénis, 30 000 €, 60 000 € ? » Les mots de Me Georges Parastatis résonnent dans la salle d’audience. Les juges du tribunal administratif de Nantes doivent évaluer l’indemnisation, par le CHU de Nantes, des préjudices d’un homme amputé de son organe génital.
L’analyse des faits est rapide : en 2014, un carcinome (cancer de la peau) de la verge est diagnostiqué chez un trentenaire. L’ablation de la tumeur s’impose. Mais les chirurgiens nantais apprécient mal un curetage « de sécurité » de quelques millimètres autour de la zone traitée, destiné à éviter une extension ganglionnaire, et les risques de récidive.
L’expertise judiciaire, diligentée en 2018, identifiera une erreur médicale engageant la responsabilité de l’établissement. Le protocole le moins invasif - préféré à une ablation précoce du gland - choisi par l’hôpital montre ses limites. Et les complications se multiplient. « Les souffrances étaient telles que mon client a envisagé de se couper lui-même le sexe », détaille son avocat. Une pénectomie (amputation du pénis) totale, au regard des risques de généralisation du cancer, est finalement réalisée en juillet 2017. Rarissime chez un patient aussi jeune.
Commence alors le long parcours de l’indemnisation. Au cœur de son évaluation, le préjudice sexuel. « L’hôpital le contestait au motif que cet homme conservait la faculté de fantasmer, s’insurge l’avocat, mais le principe d’un fantasme suppose l’infime possibilité de le réaliser. Lui, ne le peut plus. »
Le tribunal devra se contenter d’une jurisprudence très mince, un seul précédent mentionnant un octogénaire indemnisé à hauteur de 50 000 €. La rapporteure publique préconise de chiffrer à 62 000 € (la moitié pour le préjudice sexuel) la réparation des dommages par le CHU. Un peu « au-delà des barèmes », comme l’observe l’avocat du CHU, Me Flavien Meunier, mais très loin des 450 000 € demandés. « Dans cette affaire singulière, on ne peut pas appliquer des nomenclatures sèches et aveugles », martèle Me Parastatis. Décision dans trois semaines.
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