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 William Hope Hodgson Le dernier voyage

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ElricWarrior
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MessageSujet: William Hope Hodgson Le dernier voyage   William Hope Hodgson Le dernier voyage EmptySam 11 Avr - 11:27

William Hope Hodgson Le dernier voyage 518Ain-VhEL._SX210_

«Le Shamraken, navire à voiles, en avait passé des jours sur les mers...» 60 ans de navigation, l'équipage composé de vieillards s'en retourne à terre. Un soir le navire entre dans une nappe de brouillard d'une teinte orange du plus bel effet, l'équipage pense aborder au Paradis...


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Le Shamraken, navire à voiles, en avait passé des jours sur les mers ! Il était vieux, plus vieux que ses maîtres, et ce n’est pas peu dire. Il allait, le bois boursouflé de ses vieux flancs soulevé par la houle. Mais il ne semblait pas pressé. Pourquoi se serait-il pressé ? Il finirait toujours par arriver d’une façon ou d’une autre, suivant son invariable habitude.

Deux faits caractérisaient à première vue l’équipage : d’abord l’âge avancé de tous ses membres, ensuite l’air de famille qu’il y avait entre eux, bien qu’ils ne fussent point parents. Mais le vaisseau leur appartenait en commun.

Ils formaient un étrange assemblage, ces hommes barbus, grisonnants, vieillotants. Cependant, ils ne donnaient pas, comme les autres vieillards, l’impression de n’appartenir déjà plus à l’humanité – sauf peut-être en ceci qu’ils ne bougonnaient jamais, et qu’on lisait dans leurs yeux la joie tranquille de ceux en qui toute passion est morte.

Si un travail s’imposait, on n’entendait point le concert de protestations plus ou moins sourdes que n’eussent pas manqué d’émettre les matelots du type ordinaire. Ceux-ci entamaient la besogne quelle qu’elle fût, avec la philosophique soumission que l’expérience peut seule engendrer. Ils apportaient à accomplir cette besogne une espèce d’entêtement résigné, procédant de la conscience qu’il fallait bien qu’elle s’effectuât. En outre, leurs mains possédaient la maturité dans l’adresse, qui s’obtient par une très longue pratique, et qui chez eux compensait la faiblesse de l’âge. Leurs mouvements étaient lents, mais infaillibles. Ils avaient si fréquemment vaqué aux mêmes tâches qu’ils étaient arrivés, par une sorte de division du travail, aux plus courtes comme aux plus simples méthodes.

Ils venaient, nous l’avons dit, de passer bien des jours sur l’eau, encore que vraisemblablement personne à bord n’en connût le nombre exact ; cependant, le capitaine Abe Tombes – plus familièrement connu sous le nom de « Patron Abe », en avait peut-être quelque idée : on le voyait parfois régler, d’un air solennel, un sextant énorme ; ce qui permettait de conclure qu’il tenait vaguement compte des temps et des lieux.

Une demi-douzaine de matelots étaient assis, placides, occupés des menus travaux habituels. D’autres s’éparpillaient un peu partout. Deux hommes arpentaient le côté sous le vent du pont des gaillards, fumaient, échangeaient quelques mots. Un autre, assis oisif auprès des travailleurs, laissait, à de longs intervalles, entre deux bouffées de pipe, tomber une réflexion. Un autre, installé au bout-dehors du beaupré, s’efforçait de pêcher, avec une ligne amorcée d’un chiffon blanc, ce poisson qu’on appelle bonito. C’était Nuzzie, le mousse. Un mousse de cinquante-cinq ans. Il en avait quinze lors de son inscription au rôle du Shamraken, et malgré les quarante ans écoulés depuis, il ne cessait pas d’être « le mousse ». Car les hommes du Shamraken vivaient dans le passé.

Il était temps qu’il descendît prendre sa ration de repos en vue du quart de nuit. On aurait pu dire la même chose des trois hommes qui causaient et fumaient. Seulement, pour eux-mêmes, ils ne songeaient guère au sommeil. Un homme âgé mais bien portant dort peu, et ils étaient bien portants, quoique âgés.

Soudain, un des deux matelots qui arpentaient le côté sous le vent du pont, jetant par hasard un coup d’œil à l’avant, aperçut Nuzzie toujours sur son bout de beaupré, faisant ballotter sa ligne dans l’espoir de donner à quelque absurde bonito l’illusion que le chiffon blanc qui servait d’appât, était un poisson volant.

Le fumeur attira sur ce point l’attention de son compagnon.

– Il est temps que cet enfant aille dormir.

– Pour sûr, répondit l’autre, retirant sa pipe, et fixant un regard sévère sur la silhouette qui occupait le bout du beaupré.

Une demi-minute, ils se tinrent là, immobiles, comme deux images symbolisant la vieillesse qui va réprimander l’adolescence. Ils tenaient à la main leurs pipes, dont la fumée s’élevait en sveltes volutes.

– Il n’y a pas moyen d’avoir raison de cet enfant, disait le premier, d’un ton grave et convaincu.

Puis se rappelant sa pipe, il en tira une bouffée.

– Les enfants sont de bien singulières créatures, opina l’autre, tirant lui aussi une bouffée de sa pipe.

– Pêcher quand il devrait dormir !

– Les enfants ont terriblement besoin de dormir. Je me souviens d’avoir été un enfant. Je suppose que c’est la croissance.

Entre-temps, le pauvre Nuzzie pêchait toujours.

– Je vais lui dire de sortir de là, reprit le premier, et il se dirigea vers les degrés qui menaient à l’avant.

– Boy ! cria-t-il, dès que sa tête fut au niveau du pont. Boy !

Au second appel, Nuzzie se retourna.

– Eh ? demanda-t-il.

– Sortez de là ! ordonna le vieil homme. Sans quoi, cette nuit, vous ronflerez au gouvernail !

– Pour sûr, confirma son compagnon, qui l’avait suivi. Descendez, boy, et vite à votre cadre !

– Bien, acquiesça Nuzzie. Et il roula sa ligne. Évidemment, l’idée de désobéir ne lui traversait même pas l’esprit. Il quitta l’espar, et descendit sans un mot.

Quant à eux, ils recommencèrent d’arpenter le côté sous le vent du pont principal.

– Il me semble, Zeph, disait l’homme qui fumait, assis sur un couvercle d’écoutille, que Patron Abe a raison. Le vieux sabot nous a fait gagner bien des dollars, et nous ne rajeunissons pas.

– C’est assez vrai, répondit son voisin, assis comme lui, et en train d’estroper une poulie.

– Et il est temps que nous reprenions l’habitude du plancher des vaches, continua le premier, qui s’appelait Job.

Zeph coinça la poulie entre ses genoux, réussit à extraire une chique de sa poche, mordit la chique, et remit dans sa poche ce qui en restait.

– Ça semble drôle, quand on y pense, que ce soit notre dernier voyage, fit-il, mastiquant avec force, le menton appuyé sur la main.

Job, avant de répondre, tira deux ou trois bouffées.

– Il le fallait, dit-il enfin. Je sais un joli endroit où m’établir. Et vous, Zeph ?

L’homme qui tenait la poulie entre les genoux secoua la tête. Ses regards semblaient aller à la dérive sur la mer.

– J’ignore, Job, ce que je ferai quand on aura vendu le vieux sabot, comme vous dites. Depuis que Maria est morte, je ne me soucie plus de vivre à terre.

– Je n’ai jamais été marié, déclara Job, tassant, au fond de la pipe, le tabac qui se calcinait. Pour un marin, je trouve que c’est mieux comme ça.

– Chacun son idée, Job… J’aimais tant Maria !… Il s’interrompit. De nouveau, son regard erra sur la mer.

– Je voudrais une ferme à moi. Je crois avoir gagné assez de dollars pour la payer, dit Job.

Zeph ne répliqua rien. Quelque temps, ils se turent.

Tout à coup, de la porte du gaillard d’avant, à tribord, deux hommes émergèrent. Ils appartenaient à « l’équipe d’en bas ». Ils semblaient plus vieux encore, si possible, que ceux des ponts. Leurs barbes, blanches, mais tachées par le jus de tabac, leur venaient presque à la ceinture. Au reste, ils avaient été grands et vigoureux. Mais ils pliaient maintenant sous le fardeau des années. Ils s’en vinrent, la démarche pesante, vers l’arrière. Quand ils furent en face de l’écoutille principale, Job leva les yeux et parla :

– Dites, Néhémiah, voilà Zeph qui pense à Maria, et qui broie du noir.

Le plus petit des deux nouveau-venus secoua lentement la tête.

– Chacun de nous a ses peines, dit-il. Chacun de nous a ses peines ! J’ai eu la mienne quand j’ai perdu ma fille. Je l’aimais tant ! Elle était si bonne et si belle ! Mais cela devait arriver… Cela devait arriver… Puis, ç’a été au tour de Zeph de connaître le malheur.

– Maria était une bonne femme pour moi, dit Zeph, lentement, lui aussi. Et maintenant que c’en est fini du vieux bateau, j’ai peur de me sentir bien seul, là-bas, à terre.

Le geste de sa main laissait vaguement supposer que la terre allait surgir quelque part au delà du bastingage de tribord.

– Oui, remarqua le second des nouveau-venus. C’en est fini du vieux bateau, où j’ai navigué soixante-six ans. Soixante-six ans ! Comme le quitter sera dur !

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