Horatio Gordon Robley était un célèbre collectionneur d'objets macabres et obscurs. Il collectionnait notamment les «Mokomokai», les têtes conservées des Maoris de Nouvelle-Zélande.
C’est une histoire singulière, mais finalement très caractéristique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle que nous allons vous conter aujourd’hui, celle d’un militaire britannique exemplaire, efficace dans tous ses postes outre-mer, qui plus est fin lettré, cultivé, passionné même, et qui se constitua, avec la conscience parfaitement tranquille, la plus macabre des collections, celle de têtes momifiées de guerriers maoris.
Qui était réellement Horatio Gordon Robley ? Un militaire sincère et dévoué, piqué d’ethnologie et passionné par la Nouvelle-Zélande ou un monstrueux collectionneur de trophées macabres ?
Il est clair que de nos jours, il serait classé dans la seconde catégorie ; mais à l’époque, étudier les tatouages faciaux des Maoris, les moko, et collectionner les têtes n’avait rien de choquant. Bien au contraire, la collection de têtes était prise comme un prolongement scientifique très respectable de l’étude des coutumes indigènes.
Depuis plusieurs années, de nombreux crânes de Maoris ont été rendus à la Nouvelle-Zélande, pour que les tribus puissent offrir une sépulture décente à leurs morts, qui avaient terminé par dizaines dans les musées d’Europe et d’Amérique, leur seul tort étant de porter des tatouages faciaux. Le comble de l’exotisme pour les Occidentaux d’alors, qui ne considéraient plus celui qui les portait comme un être humain, mais comme un objet de curiosité. Objet qu’il fallait à tout prix acquérir.
500 têtes à récupérer
En 1992, le musée national néo-zélandais Te Papa Tongarewa, faisant suite à la demande des tribus maories du pays, décida d’entamer une action internationale pour récupérer les dépouilles ou parties de dépouilles de Maoris dispersées dans le monde. L’inventaire fait auprès des musées mit en évidence la présence, dans ceux-ci, de 500 têtes humaines, dont un peu plus de vingt en France. En 2012, après bien des procédures judiciaires complexes (les collections publiques étaient considérées comme inaliénables, donc impossibles à restituer), 322 têtes avaient été rendues à la Nouvelle-Zélande pou y être dignement inhumées. Il en reste encore plus de 200 dans la nature, car outre les musées publics, certains collectionneurs privés en possèdent. Dans les collections publiques, celle de l’American Museum of Natural History, riche des pièces rachetées à Robley, en contient encore 39…
Ces têtes momifiées ont des statuts et des appellations différentes, selon leur origine : elles sont appelées upuko tuhi ou toi moko (moko signifiant tatouage) quand elles proviennent d’hommes libres et mokomokai lorsqu'il s'agit de têtes d'esclaves ayant été tatoués de force. Car les Maoris, lorsqu’ils virent l’engouement des Pakeha (les Blancs) pour les têtes tatouées, comprirent vite qu’ils pouvaient tirer profit de ce commerce ; les esclaves, prisonniers de guerre ou victimes enlevées dans d’autres clans, étaient maintenus en vie et tatoués, pour ensuite être décapités, momifiés et cédés aux Anglais, contre des armes essentiellement.
Les publications de l’époque (magazines et revues de voyages et de géographie) mettaient en évidence l’intérêt de ces “curios” maoris alors très recherchés.