Dispo aux édition de La Belle Epoque : http://www.galerie-labelleepoque.fr/
Pour 8 euros + 2 euros de frais de port.
Du grand Siebert à ne pas mettre dans toutes les mains, si j'ose dire.
En voici un extrait :
La première fois que j'ai vu grand-père se branler, c'était un vendredi soir. Le lendemain serait mon quatorzième anniversaire, que nous fêterions en famille autour de mon plat préféré, de la langue de bœuf sauce piquante. La fête avec les copains serait pour le samedi suivant.
J'avais été réveillé en pleine nuit par l'envie d'aller aux toilettes. En passant devant la cuisine j'ai aperçu de la lumière et entendu marmonner grand-père. Au lieu d'ouvrir la porte et lui demander si tout allait bien (grand-père, ancien résistant, avait survécu à Auschwitz et il lui arrivait encore de faire d'horribles cauchemars, il avait parfois besoin de réconfort, nous l'aimions tous beaucoup et depuis qu'il était veuf il ne se passait pas une semaine sans que nous l'appelions au téléphone), je me suis arrêté et j'ai collé mon oreille à la porte. C'était exactement comme s'il parlait à quelqu'un. Sa voix était agressive, bizarre.
J'ai entrebâillé la porte, à la fois inquiet et curieux.
Grand-père était debout devant le Frigo ouvert, dont seule la veilleuse éclairait la pièce, son pyjama aux chevilles. Dans une main il tenait le plat de béchamel où les câpres étaient figés et dans l'autre son sexe à moitié bandé qu'il trempait dans l'épaisse sauce tout en se masturbant.
Ses yeux étaient exorbités. Je ne comprenais pas un mot de ce qu'il disait. Il semblait s'adresser à un interlocuteur imaginaire. Il avait l'air de perdre la boule. Je suis resté sans rien faire, figé, épouvanté jusqu'à la fin, jusqu'à ce qu'il éjacule dans la sauce en poussant des grognements plus forts, le visage rouge et congestionné, trois grosses giclées que j'ai entendu faire ploc ploc ploc dans la béchamel, mon visage à moi complètement défait, après quoi il a remis dans le Frigo le plat et a essuyé sa queue et les gouttes de sauce qu'il y avait au sol. Je suis retourné dans ma chambre en catimini. Tout envie de pisser avait disparu.
J'ai passé une nuit et une matinée bizarre, à retourner tout ça dans mon cerveau. A midi tout le monde s'est réjoui en voyant le plat en porcelaine rempli de sauce blanche et fumante, et les points verts foncés qui flottaient dedans, et grand-père souriait encore plus largement que les autres.
— Et bin alors, tu n'aimes plus ma sauce ? m'a demandé ma mère en voyant la tête que je faisais.
J'ai eu du mal à me recomposer un visage normal – du mal aussi à terminer mon assiette.
Cette histoire a tourné un moment dans ma tête et puis je suis passé à autre chose jusqu'à cette nuit, environ trois mois après mon anniversaire, où nous avons tous dormi chez lui – il était question de faire un barbecue le lendemain, le premier de l'année, on était en avril, il faisait déjà beau et dans le jardin poussaient les premières fleurs, tout ça donnait vachement envie.
Quand il a fait grincer la porte de sa chambre, ça m'a réveillé. Il faisait nuit noire. J'ai décidé de le suivre. Je lui ai laissé un peu d'avance pour qu'il ne me remarque pas. Il s'est rendu à la cuisine.
Il a ouvert le Frigo, pris le Tupperware, l'a posé sur le plan de travail et a ôté son couvercle. Ensuite il a baissé son pyjama et saisi dans le Tupperware un pilon de poulet qui dégoulinait d'huile d'olive et d'épices.
Il bandait déjà.