Le pape François a ordonné, mercredi 23 octobre, que l'évêque allemand Franz-Peter Tebartz-van Elst, accusé de dépenses somptuaires, soit éloigné pour une période indéterminée de son diocèse de Limburg.
Dans un communiqué, le Vatican précise que Tebartz-van Elst, surnommé l'"évêque de luxe", "n'est pas actuellement en mesure d'assurer son ministère épiscopal" et a reçu l'ordre de quitter son diocèse le temps que soient achevés une enquête et un audit sur les dépenses qu'il a engagées.
"Le Saint-Siège considère qu'il est opportun (...) d'autoriser Mgr Frans-Peter Tebartz-van Elst à une période de séjour en dehors du diocèse. Une situation s'est créée dans le diocèse dans laquelle l'évêque Mgr Tebarts-van Elst ne peut pas exercer à l'heure actuelle son ministère épiscopal. Le Saint Père a été constamment informé en détail et de manière objective de la situation dans le diocèse de Limburg".
"UN FAUX SAINT THOMAS"
Agé de 53 ans, Frans-Peter Tebartz-van Elst, dont le diocèse sera administré par son vicaire général, se voit notamment reprocher le coût exorbitant d'une nouvelle résidence. Un premier audit mené cet été par un envoyé du Vatican a révélé que la construction avait coûté au moins 31 millions d'euros, six fois plus que le budget initial.
Le prélat est également accusé d'avoir menti sous serment à propos d'une visite effectuée en Inde l'an dernier, à l'occasion de laquelle il avait décidé de voyager en première classe. Selon le Spiegel, ce "faux saint Thomas" et son vicaire général en avaient d'ailleurs profité pour vérifier au passage la qualité du champagne et du caviar fournis à bord par la Lufthansa. Au début du mois, le parquet de Hambourg a demandé qu'il soit condamné à une amende pour faux témoignage dans ce dossier.
Le scandale fait la "une" des magazines allemands et embarrasse l'Eglise catholique. Selon la presse, Tebartz-van Elst a notamment acheté pour sa nouvelle résidence une baignoire de 15 000 euros, une table de conférence de 25 000 euros et a fait construire une chapelle privée pour 2,9 millions d'euros. Le montant des travaux pourrait même atteindre 40 millions d'euros, a écrit le journal Die Welt. Sous la pression des médias, la moitié des 27 évêchés ont rendu public cette semaine leur patrimoine.
La conférence des évêques d'Allemagne a créé une commission spéciale pour enquêter sur les comptes du diocèse. Elle est formée d'experts en droit canon ainsi qu'en affaires financières et immobilières, choisis tant dans l'Eglise qu'en dehors. Les noms de ses membres ne seront révélés qu'après la publication du rapport, à une date qui n'a pas été précisée.
Le Comité central des catholiques allemands a fait part de sa satisfaction :
"La décision du pape François offre la chance d'un nouveau départ au sein de l'évêché de Limburg car la situation de ces dernières semaines était devenue pesante tant pour les croyants là-bas que pour l'Eglise dans l'ensemble de l'Allemagne.
La décision prise aujourd'hui par le Saint-Père va fournir le temps nécessaire pour une clarification complète des événements dans le Limburg. Les catholiques du diocèse, mais aussi de toute l'Allemagne ont le droit d'avoir accès en toute transparence à toutes les informations concernant les coûts de construction ou les discussions qui ont eu lieu au sein des commissions, et les responsables doivent être identifiés".
La baignoire à 15 000 euros de Mgr Tebarz-van Elst
Depuis quelques jours, Angela Merkel peut bien rencontrer qui elle veut pour former son futur gouvernement, les Allemands n'en ont cure. Les journaux relèguent l'information en bas de page pour mieux mettre en valeur le feuilleton de la semaine : l'incroyable train de vie de Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst, 53 ans, évêque de Limburg, une commune située au nord-ouest de Francfort (Hesse).
Un véritable défi au pape François, apôtre de l'humilité. Cela avait commencé en 2012, lorsque le plus jeune évêque d'Allemagne, harcelé par le Spiegel, avait dû finir par reconnaître qu'il avait voyagé en première classe pour se rendre en Inde, vérifier de visu que l'argent envoyé par son évêché était bien employé.
Selon le journal, ce faux saint Thomas et son vicaire général en avaient d'ailleurs profité pour vérifier au passage la qualité du champagne et du caviar fournis à bord par la Lufthansa.
LE VATICAN A ENVOYÉ UN MÉDIATEUR À LIMBURG
Cela faisait d'autant plus mauvais effet qu'au même moment, à Limburg, les travaux engagés deux ans auparavant pour construire un nouvel évêché se révélaient impressionnants. Faisant visiter le nouvel ensemble en décembre 2012, Mgr Tebarz-van Elst reconnaît d'ailleurs que les 5,5 millions d'euros budgétés deux ans plus tôt ne seront sans doute pas suffisants. Alors qu'en juin 2013, la facture se monte à 9,85 millions d'euros, plus de 4 400 paroissiens signent durant l'été une lettre ouverte dénonçant non seulement le faste de l'évêque mais aussi son autoritarisme.
Tout cela commençait à devenir gênant pour l'Eglise allemande, en total décalage avec le nouveau pape François. Le Vatican a d'ailleurs envoyé, en septembre, un médiateur à Limburg pour tenter de réconcilier l'évêque et ses paroissiens, mais celui-ci est rentré à Rome bredouille.
MENSONGE SOUS SERMENT
La situation est franchement devenue ingérable le 7 octobre, lorsqu'on a appris que les travaux de l'évêché s'élevaient en réalité à 31 millions d'euros. Six fois la somme prévue. Entre le cloître à 2,3 millions d'euros, la baignoire à 15 000 euros, une table à 25 000 euros et la facture de 478 000 euros pour l'aménagement des appartements privés de l'évêque, la presse s'en donne à coeur joie.
Qui plus est, l'évêque est accusé par la justice allemande d'avoir menti sous serment sur le coût de son voyage en Inde. Jamais un évêque n'aurait fait l'objet d'une telle accusation depuis 1949. Jeudi 10 octobre, Mgr Robert Zollitsch, le président de la conférence épiscopale allemande, a reconnu que la "situation difficile". Une commission interne à l'épiscopat est chargée d'examiner le montant exorbitant de la facture.
Mgr Zollitsch, qui doit être reçu en audience par le pape "la semaine prochaine", sans plus de précision, a indiqué jeudi qu'il évoquerait avec lui la situation du prélat. Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst, qui avait, initialement, annoncé vouloir lire une lettre ce week-end pour répondre aux attaques dont il fait l'objet, y a renoncé vendredi, ce que certains interprètent comme un premier pas effectué vers la sortie. Selon un sondage paru vendredi dans Stern, 71 % des Allemands souhaitent sa démission.
Source Le monde